Vote blanc : une urne pour ceux qui n’ont rien à dire

Reconnaître le vote blanc, c’est donner un porte-voix à tous ceux qui tiennent à crier qu’ils n’ont rien à dire. Pourtant, à en croire l’immense majorité des médias après la récente adoption de cette mesure par l’Assemblée nationale, il faudrait se réjouir de cette grande avancée démocratique.

C’est que, dit-on, la démocratie s’en trouverait renforcée.

Mais si une amélioration de la représentation était véritablement l’objectif, il y avait à l’évidence d’autres mesures à prendre que celle qui a été adoptée la semaine dernière à l’Assemblée par l’unanimité des 90 députés présents en séance.

On aurait pu par exemple en finir avec l’élection des députés au Palais Bourbon au scrutin uninominal à deux tours. Son remplacement par un suffrage proportionnel eût enfin permis que le Front national, fort de 18% à la dernière élection présidentielle, ne compte pas seulement deux députés dans l’hémicycle élu quelques semaines plus tard.

Ou bien on aurait pu élargir le recours au référendum et, tenant compte du résultat de la consultation populaire de 2005, ne pas faire ratifier par les parlementaires un traité rejeté par près de 55% des suffrages exprimés.

Puisque l’alibi démocratique ne tient visiblement pas la route, force est de se demander à qui profite la reconnaissance du vote blanc. Une réponse s’impose : elle profite aux partis de gouvernement qui mépriseront d’autant plus impunément les petits partis qu’une partie de leurs électeurs traditionnels choisiront dorénavant de voter blanc avec l’absurde satisfaction de savoir leurs voix comptabilisés.

La psychologie des blancs-voteux est étonnante. Que ne s’abtiennent-ils pour de bon ? Par respect pour un système qui, à leurs yeux, est pourtant inapte à fournir le moindre candidat digne de confiance ?

Octave Mirbeau, Romain Gary ou encore Fabrice Luchini paraissent plus cohérents quand, sans pour autant se désintéresser de la question sociale, ils assument ouvertement leur abstentionnisme, pareils sur ce point à Céline qui écrivait :

 « Moi j’ai jamais voté de ma vie… Ma carte elle doit y être encore à la mairie du deuxième. J’ai toujours su et compris que les cons sont la majorité, que c’est donc bien forcé qu’ils gagnent. Pourquoi que je me dérangerais dès lors ? »

Excessive ? Radicale ? Outrancière, la position de Céline ? Peut-être, mais pleine de panache, elle vaut mieux que la tiédeur des blancs-voteux qui se flattent d’oublier que de tous ceux qui n’ont rien à dire, les plus agréables sont ceux qui se taisent.

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