Statue de Zidane : pudibonderie des accros de l’exemplarité

Il est peu dire que la statue de Zinédine Zidane, et plus précisément celle de son coup de boule légendaire contre l’italien Marco Materazzi lors de la finale de la coupe du monde 2006, exposée temporairement devant Beaubourg, fait couler beaucoup d’encre. N’en déplaise aux adeptes de « l’exemplarité » footballistique, le pétage de plomb de Zizou restera dans les mémoires.

Bien sûr, le geste de Zinédine Zidane est moralement indéfendable. Sans doute, si le génie marseillais n’avait pas pété les plombs, la France aurait conquis une deuxième coupe du monde. Et pourtant… Qu’on le veuille ou non, le coup de tête de Zidane restera comme un évènement majeur de sa carrière, un fait véritablement héroïque (dans l’acceptation grecque du terme), que des générations de Français (et au-delà d’amateurs de football) commenteront au même titre que la main de Maradona  ou les exploits de l’équipe brésilienne du Roi Pelé.

Un geste qui méritait bien une statue (toutes les oeuvres exposées à Beaubourg ne peuvent se vanter d’une telle légitimité) et qui a pourtant provoqué un raz-de-marée d’indignation chez les gardiens du temple de l’exemplarité footballistique. Comme si Zidane, pour génial qu’il fut balle au pied, devait par essence être un modèle moral. Eut-il fallu aussi que Charles Baudelaire n’ait jamais trempé ses lèvres dans un verre d’absinthe ou que Miles Davis n’ait pas touché à un gramme d’héroïne ?

Michael Jordan et John McEnroe, pas des modèles de vertu

Les sportifs de haut niveau ne sont pas seulement des prodiges de leur discipline. Ce sont également, pour la plupart, des caractériels capables de se surpasser pour prouver au monde leur supériorité. Si l’image d’Épinal que les dirigeants de la Fédération française de football veulent transmettre au gamin est celle de champions propres, intègres et toujours fair-play, la réalité est un poil moins lisse. Heureusement.

Zinédine Zidane est loin d’être la seule icone sportive qui ne rentre pas dans les clous de l’exemplarité. Le grand Michael Jordan insultait copieusement ses adversaires à chaque match et n’était jamais avare d’intimidations et de coups bas (que les networks américains s’évertuaient à ne pas montrer à l’écran). Les colères de John Mc Enroe sont entrés dans le folklore du tennis, mais ont longtemps été perçus comme des errements de voyous par ceux qui réclament aujourd’hui le retrait de la statue de Zidane.

Et de leur demander. En enlevant cette statue, aura-t-on réussi à gomme la tâche de cette soirée berlinoise ? Veut-on comme au temps de la Rome antique effacer de la mémoire publique les actes ignominieux ? Hélas pour eux, s’il ne doit rester qu’une image de cette coupe du monde 2006, ce sera celle de Zinédine Zidane quittant le terrain sans regarder cette coupe du monde qui lui tendait les bras.

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