L’affaire DSK vue par le Huffington Post d’Anne Sinclair

Comment le Huffington Post, et notamment sa directrice éditoriale Anne Sinclair, couvrent les derniers rebondissements de l’affaire DSK (l’ancien patron du FMI aurait trouvé un accord financier avec Nafissatou Diallo pour qu’elle retire sa plainte pour viol). Sans occulter l’information, le site joue de tous les artifices pour minimiser les révélations du New York Times derrière une neutralité journalistique de façade.

Anne Sinclair est trop intelligente pour demander à ses journalistes de faire l’impasse sur les derniers rebondissements de l’affaire du Sofitel de New York, dans laquelle elle joue un rôle de premier plan,. En effet, selon le Monde, la femme de Dominique Strauss-Kahn (avec lequel elle serait aujourd’hui séparée) devrait lui avancer la moité des 6 millions de dollars nécessaires pour que Nafissatou Diallo retire sa plainte.

Petit mode d’emploi à destination des journalistes qui souhaitent couvrir discrètement leurs proches :

Minimiser l’affaire par le choix de la hiérarchie de l’information, en enfouissant l’article en bas de la Une.

Le Huff Post, site indépendant, traite-t-il de cette actualité comme d’une autre ? Presque ! La hiérarchisation de l’information d’Anne Sinclair imposait évidement de placer l’article sur DSK au fin fond du site, derrière des articles aussi importants que les problèmes conjugaux d’Eric Raoult, la description de Spielberg par Stephen King, Mélenchon qui compare Hollande à Louis XVI, Yoko Ono qui sort une nouvelle ligne de vêtements, ou la nouvelle vidéo de Britney (voir ci-dessous).

Étrangement, les journalistes des versions américaine et canadienne du Huffington Post ont hiérarchisé l’information différemment et ont placé l’actualité de DSK bien plus en avant…

Le choix du positionnement de l’article dans le site indique déjà une volonté discrète de minimiser l’affaire. Une volonté que l’on retrouve également dans l’article.

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Consacrer l’essentiel de l’article à répéter les éléments de langage en faveur de l’accusé : il est « extrêmement fréquent » d’avoir recours à ce genre de procédé aux États-Unis.

L’article propose directement une vidéo au titre éloquent : « DSK/Diallo : l’accord financier procédure courante aux États-Unis« . On a bien compris l’objectif d’Anne Sinclair : minimiser l’affaire en expliquant qu’il est tout à fait normal en Amérique de payer 6 millions de dollars à une femme pour qu’elle se taise, même quand on est innocent. Toute la construction de l’article va dans ce sens là.

Ainsi, après les 4 paragraphes d’introduction, l’article en contient 5 dans la première partie intitulée explicitement « Un procédé courant » et 5 de plus dans la dernière partie au titre redondant « 9 plaintes sur 10 réglées à l’amiable ». Donc, dans un article de 14 paragraphes, 10 sont consacrés à expliquer en quoi il est « courant » et usuel de recourir aux arrangements financiers dans la justice américaine. Le but de l’article n’était pas d’informer sur l’avancée de l’affaire ?

Distiller des petites phrases lourdes de (contre) sens.

« Nafissatou Diallo, 33 ans, avait porté plainte au civil contre DSK le 8 août 2011, pour obtenir des dommages et intérêts. Elle l’accusait de l’avoir contrainte à une fellation dans sa suite du Sofitel le 14 mai précédent. »

Cette phrase, a priori banal, journalistique, descriptive et neutre, est en fait un modèle de manipulation : elle tend à nouveau à minimiser les faits au maximum et à présenter discrètement Nafissatou Diallo comme une menteuse manipulatrice.

Une femme qui a été effectivement violée ou agressée sexuellement ne porte pas plainte « pour obtenir des dommages et intérêts » mais pour être reconnue comme victime et pour que son agresseur paye son crime… En rédigeant cette phrase, le journaliste sous entend donc que DSK est un innocent piégé par Diallo.

La deuxième phrase est également un mensonge destiné à réduire les charges qui pèsent contre Dominique Strauss Kahn : il semble que depuis le début de l’affaire, les accusations de Nafissatou Diallo envers DSK vont plus loin que « de l’avoir contrainte à une fellation dans sa suite du Sofitel« .

En vérité, l’avocat de la femme de ménage accusait DSK « d’agression violente et sadique ». « Pensant bénéficer de l’immunité, le défendant Strauss-Kahn a intentionnellement, brutalement et violemment agressé sexuellement Mme Diallo et ce faisant humilié, dégradé, abusé d’elle et privé Mme Diallo de sa dignité de femme », précisait-il au moment du dépôt de plainte.

Cela ne sonne pas tout à fait pareil qu’une petite contrainte de fellation…

Un encart comme preuve de transparence et de professionnalisme

Afin d’ôter tout doute quant à l’objectivité journalistique de la rédaction du Huffington Post français, le site devait parler de l’affaire DSK, comme Sinclair l’avait promis au moment de sa nomination. Il n’était pas non plus possible de passer sous silence l’implication de la rédactrice en chef dans cette affaire sous peine de perdre toute crédibilité.

Le choix s’est donc porté sur un encart, plus discret et moins lu, situé à la fin de l’article, pour évoquer les « rumeurs » concernant Sinclair et les trois millions de dollars qu’elle pourrait prêter à son ex. L’encart précise entre parenthèse que Sinclair est bien la rédactrice du Huffington Post, afin de prouver par la transparence toute la déontologie journalistique de l’équipe du site.

Mais bien évidemment, la dernière phrase de cet encart reprend la position des avocats de DSK qui « démentent, en revanche, vigoureusement les informations fantaisistes et erronées dont le journal Le Monde fait état« .

Voilà comment traduire cet encart final : « Oui la personne citées dans Le Monde est bien notre patronne, mais rassurez vous, vous voyez bien qu’on est tout à fait clair avec ça puisqu’on en parle. Sinon les avocats considèrent que cette information sur notre patronne est complètement mensongère. »

Si l’auteur de ce bel exemple de servitude médiatique avait été un journaliste sérieux, il aurait pris la peine de de demander sa version des faits à la personne concernée, qui partage ses bureaux, au lieu de retranscrire les déclarations du Monde tout en précisant qu’elles sont erronées…

Voici donc comment un article aux apparence journalistiques rigoureuses et sérieuses s’avère être un outil de propagande destiné à protéger l’ex de la rédactrice en chef.

Les médias français encore et toujours sous influence ? Heureusement que le président et plusieurs de ses ministres ne vivent pas en couple avec des femmes qui ont des cartes de presse et qui continuent à officier comme journalistes !

2 Replies to “L’affaire DSK vue par le Huffington Post d’Anne Sinclair”

  1. petite nuance pour qui veut comprendre….

    Il n’y a plus aucune poursuite pour viol. (délit relevant de le seule procédure pénale): les poursuites pénales sont closes définitivement, il y a une plainte pour « agression sexuelle  » au civil, dans le seul but de percevoir des « dommages et intérêts », et la demande est totalement indépendante de sanctions pénales ou du jugement au pénal s’il y en a eu un……
    la personne qui porte plainte pense avoir subi des « dommages » et demande à recevoir des ‘intérêts ». Il ne peut rien y avoir de plus…

  2. Voilà un article qui par contre n’est pas, mais alors pas du tout sous influence…..L’auteur est sans doute très rigoureux et a certainement bien pris la peine de consulter « la personne intéressée » du journal Le Monde avant de publier !

    Il y a quand même quelques points que vous avez oublié de signaler :

    1°) le Huffington post a repris exactement les mêmes termes que la plupart des journaux qui ont commenté cette affaire.

    2°) les internautes qui fréquentent le HP (dont moi) ont souvent reproché à Mme Sinclair de mettre à la une de son journal par favoritisme les articles concernant DSK. C’est peut-être un peu contradictoire de le lui reprocher maintenant non ?

    3°) même si le montant de l’indemnité est bien celui que « la personne » du journal le monde a annoncé (et j’en doute fortement) le proche de DSK par l’intermédiaire duquel elle a obtenu cette information devrait se faire connaître pour prouver sa bonne foi et son courage.

    4°) Mme Sinclair est quand même la mieux placée pour savoir si oui ou non elle va contribuer à régler les dédommagements : la journaliste du Monde qui a publié cette information a t’elle rempli sérieusement son rôle en demandant sa version des faits à la personne qui partage ses bureaux avant de publier ?

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