Restitution de patrimoine à l’Afrique : la France remet au Sénégal un sabre chargé d’histoire

Le premier ministre Edouard Philippe remettant le sabre d'El Hadj Omar Tall au président sénégalais Macky Sall, le 17 novembre 2019 à Dakar

 

Le Premier ministre français Edouard Philippe a remis dimanche au président sénégalais Macky Sall un sabre chargé d’histoire, symbole de la restitution à venir de son patrimoine à l’Afrique. Cette belle pièce et son étui appartenaient à Omar Saïdou Tall, fondateur de l’empire toucouleur (1848-1893).

« Le sabre qui nous réunit ici est celui d’un grand conquérant, celui d’un guide spirituel »

Edouard Philippe a symboliquement remis dimanche à Macky Sall un sabre matérialisant l’histoire entre la France et le Sénégal mais aussi l’engagement du président Emmanuel Macron à commencer la restitution à l’Afrique de son patrimoine. Cette belle pièce de fer, de laiton, de cuivre, de cuir et de bois avec son étui faisait partie des collections du Musée de l’armée à Paris. S’il ne s’agit pas encore à proprement parler d’une restitution, ce geste en est « la première étape », a déclaré le Premier ministre français au cours d’une cérémonie à la présidence sénégalaise en présence des descendants de l’ancien propriétaire. « Nous sommes liés par l’histoire », a dit M. Philippe, et « ce lien prend un accent particulier aujourd’hui ». Il a ensuite rappelé : « Le sabre qui nous réunit ici celui d’un grand conquérant, celui d’un guide spirituel … le sabre d’un fondateur d’empire, l’empire toucouleur qui comprenait la Guinée, le Mali, le Sénégal actuel, c’est le sabre d’un érudit (…) C’est un amateur de sabre qui vous le dit, sa place est bel et bien ici, au cœur de l’ancien empire toucouleur ».

El Hadj Omar Tall disparut mystérieusement dans les falaises de Bandiagara

Erudit musulman et guide de l’importante confrérie des Tidianes, Omar Saïdou Tall, dit El Hadj Omar, fut à l’origine de l’empire toucouleur (1848-1893). Il combattit les troupes françaises de 1857 à 1859 avant de signer un traité de paix avec eux en 1860. L’histoire veut qu’il ait disparu mystérieusement dans les falaises de Bandiagara (Mali) en 1864. Son fils Ahmadou (1836-1897) lui succéda mais fut vaincu par les Français en avril 1893 à Bandiagara (Mali). C’est lors de ce combat que les Français s’emparèrent du sabre, à la lame de fabrication française et au pommeau en forme de bec d’oiseau. Ils mirent aussi la main sur d’autres pièces, des armes, des manuscrits et de l’or, selon les historiens. « Ce jour est historique. Voici que les descendants d’anciens belligérants se retrouvent et sympathisent comme pour signer définitivement la paix des braves », s’est rejoui de son côté le président sénégalais.

Des restitutions temporaires ou définitives d’ici à cinq ans

Le Sénégal et la France ont ensuite paraphé une convention prévoyant le dépôt du sabre au Musée des civilisations noires de Dakar pour cinq ans, le temps que soit rédigée une loi sur la restitution proprement dite de son patrimoine à l’Afrique.

Il faut souligner que depuis des décennies, les restitutions font l’objet d’intenses et légitimes réclamations de la part des pays africains. Au cours d’un discours à Ouagadougou le 28 novembre 2017, le président Macron avait souhaité que « d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ».

Au moins 90.000 objets d’art d’Afrique sub-saharienne dans les musées en France

Les collections publiques françaises renferment au moins 90.000 objets d’art d’Afrique sub-saharienne. Plus des deux tiers – 70.000 – se trouvent au Quai Branly, dont 46.000 «acquises» durant la période coloniale 1885-1960. Plus de vingt mille autres se trouvent dispersés dans de nombreux musées, y compris au Havre, dont M. Philippe fut le maire.

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