Affaire Epstein : de grosses têtes vont-elles tomber ?

Un portrait d'Epstein Jeffrey

 

Le financier Jeffrey Epstein est mort le samedi 10 août vers 06H30 dans sa cellule au Metropolitan Correctional Center, où il attendait son procès qui devait commencer au plus tôt en juin 2020. Avec son « suicide apparent », les victimes ont perdu tout espoir de voir la vérité éclater. Au contraire, ceux qui avaient intérêt qu’il se taise à jamais, peuvent desserrer un peu le nœud de la cravate. Mais pour combien de temps ?

« Nous irons au fond des choses (…) il y aura des comptes à rendre »

Le corps d’Epstein Jeffrey, 66 ans, a été découvert vers 06H30 samedi au Metropolitan Correctional Center, une prison réputée particulièrement sûre. Le 23 juillet déjà, il avait été retrouvé légèrement blessé, après ce qui semblait être une première tentative de suicide. D’où l’idée que le financier ne bénéficiait plus de surveillance renforcée anti-suicide. Furieux de ce constat, le procureur général Bill Barr a dénoncé lundi de « graves irrégularités » à la prison fédérale. Cette information a fait fleurir plusieurs théories du complot, arrosées par un tweet de Donald Trump sur Bill Clinton. Les Américains se demandent maintenant si Epstein Jeffrey n’a pas été tué par des mains obscures pour le faire taire à jamais. Bill Barr promet en tout cas d’aller au bout de l’enquête pour que tous les complices soient démasqués : « Nous irons au fond des choses (…) il y aura des comptes à rendre », a-t-il martelé.

Epstein Jeffrey le philanthrope

Epstein Jeffrey est un ancien professeur de mathématiques et de  physique à la Dalton School de Manhattan. Après avoir eu pour élève le fils du président de Bear Stearns, Alan C. Greenberg, il entre comme trader dans cette société en 1976. Il créé des années plus tard  son propre cabinet, J. Epstein & Co et rentre dans le cercle très fermé de la jet set. Il fait alors la connaissance de nombreux milliardaires et dirigeants des Etats Unis et du monde.

Dans les années 2000, Epstein Jeffrey crée une fondation qui porte son nom. Celle-ci finance la recherche en génétique menant à des progrès dans des domaines tels que la maladie d’Alzheimer, la sclérose en plaques, le cancer de l’ovaire, le cancer du sein, la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn. Cette fondation a aussi soutenu la recherche sur l’intelligence artificielle, par Marvin Minsky au MIT (jusqu’à sa mort) et Ben Goertzel à Hong Kong. Epstein Jeffrey s’est fait également de nombreux amis scientifiques grâce à son mécénat. Ce sont notamment Gerald Edelman, Murray Gell-Mann, Stephen Hawking, Kip Thorne, Lawrence Krauss, Lee Smolin et Gregory Benford avec qui il discutait quelques fois de sciences dans ses propriétés.

Epstein Jeffrey et son goût pour les adolescentes

Grâce à sa richesse, Epstein Jeffrey s’offre plusieurs propriétés immobilières, dont une grande villa à Palm Beach, en Floride, un appartement à Paris (22 avenue Foch) ; un ranch de 4 000 hectares incluant un manoir à Stanley (Nouveau-Mexique) et une maison avec des chambres d’hôtes sur son île privée près de Saint-Thomas, appelé « Petit Saint-James » (Little Saint-James). C’est dans sa villa à Palm Beach, que le milliardaire s’adonnera à des penchants morbides qui vont le conduire à sa perte.

Dans ce domaine, Epstein Jeffrey a abusé de nombreuses adolescentes, pour la plus part des collégiennes. Ses victimes venaient à lui grâce à une armée de recruteuses, qui assuraient les rendez-vous, le transport (parfois en jet privé), donnaient des instructions et rétributions (200 à 300 dollars par visite). Les agressions avaient lieu dans sa salle de massage où il aurait pris soin de placer des caméras pour filmer ses « prouesses ». Il aurait disposé ces caméras pour faire chanter plus tard ses amis avec qui ils défloraient les adolescentes. Le 18 juin 2010, son ancien majordome, Alfredo Rodriguez, a été condamné à 18 mois de prison pour avoir tenté de vendre un enregistrement d’Epstein.

Plusieurs victimes ont porté plainte contre Epstein Jeffrey, mais l’accusé a toujours su régler ses affaires à l’amiable, en proposant des compensations financières. En mars 2005, par exemple, une femme a contacté la police de Palm Beach en affirmant que sa fille de 14 ans avait été emmenée au manoir de Jeffrey Epstein par une autre plus âgée et payée 300 $ après un déshabillage (en sous-vêtements) et avoir été massée. En janvier 2015, une Américaine de 31 ans, V. Roberts, a aussi affirmé sous serment qu’à l’âge de 17 ans (de 1999 à 2002), elle avait été utilisée par Epstein comme « esclave sexuelle » à son service et celui de ses amis puissants, dont le Prince Andrew et un professeur de droit de Harvard, Alan Dershowitz.

Des soirées mondaines avec Donald Trump

Un document de la justice allègue qu’Epstein a procuré de jeunes filles mineures à « d’éminents politiciens américains, puissants dirigeants d’entreprises, des présidents étrangers, un premier ministre bien connu, et d’autres dirigeants du monde ». En juin 2016, une autre femme a déposé plainte devant un tribunal civil, accusant Epstein et Donald Trump, alors candidat républicain à la présidentielle, de l’avoir violée quand elle avait 13 ans, de manière répétée, en 1994. Elle aurait été attachée à un lit et battue alors qu’elle les suppliait d’arrêter. Ils l’auraient menacée de représailles physiques si elle parlait.

Dans une interview accordée en 2002, Donald Trump, également membre de la jet set disait d’Epstein Jeffrey : « Je connais Jeff depuis quinze ans, un type génial. On dit même qu’il aime les jolies femmes autant que moi, et beaucoup sont plutôt jeunes. ». Il n’en fallait pas plus pour émettre des soupçons sur l’actuel président américain. Aurait-il fait partie de ces personnalités à qui Epstein offrait des séances de massage épicées avec de jolies adolescentes ?

Donald Trump, alors homme d’affaires et personnalité médiatique, se rendait régulièrement à des événements mondains organisés par Epstein. Selon le Guardian le carnet d’adresses de Jeffrey Epstein, rendu public en 2009, contenait pas moins de 14 numéros de téléphone pour joindre Donald Trump et son personnel.

Des voyages avec Bill Clinton

Autre personnalité dans le viseur de la justice, l’ancien président américain Bill Clinton. Quand Bill Clinton était à la Maison Blanche, entre 1993 et 2001, le magnat s’y est rendu à plusieurs reprises pour un événement consacré à des donations ou pour y rencontrer un membre du personnel du président. En septembre 2002, il a aussi transporté Bill Clinton, Kevin Spacey et Chris Tucker en Afrique dans son jet privé (un Boeing 727) pour promouvoir l’ancien président dans ses efforts de lutte contre le SIDA. Plusieurs médias américains évoquent d’autres vols de Bill Clinton à bord de l’avion d’Epstein, entre Miami et West Harrison, dans l’Etat de New York. L’ex chef d’Etat aurait voyagé à 11 reprises avec Ghislaine Maxwell, l’ancienne compagne d’Epstein accusée d’être sa principale recruteuse.

Une amitié avec le prince Andrew

Il y a enfin le prince Andrew, le deuxième fils de la reine d’Angleterre, âgé de 59 ans. A l’instar de Donald Trump et de Bill Clinton, le financier et le prince Andrew se sont rencontrés au cours des années 1990, toujours par l’intermédiaire de Ghislaine Maxwell, relate le Guardian. Ils passaient du temps ensemble à Saint-Tropez entre fêtes et soirées, au château de Windsor ou encore lors de vacances en Thaïlande.

Des complices en France ?

Epstein Jeffrey aurait eu des complices en France, où il voyageait régulièrement et avait au moins une propriété. C’est en rentrant d’ailleurs de la France en jet privé qu’il fut interpellé début juillet. Parmi ses amis en Hexagone figure Jean-Luc B., patron d’une agence de mannequins. Il aurait été cité par une victime qui affirme que Ghislaine Maxwell l’avait forcée à avoir des relations sexuelles avec lui. Mais Jean-Luc B. a tout nié. La secrétaire d’Etat à l’égalité femmes/hommes Marlène Schiappa et sa collègue de la protection de l’enfance Adrien Taquet ont demandé lundi l’ouverture d’une enquête dans l’Hexagone. L’association française « Innocence en danger » a en outre indiqué avoir adressé dès le 23 juillet un signalement au procureur de la République de Paris.

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.